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À la rescousse de la Ceinture Verte

La Savante folle en vert avec une pancarte de son cru, dessinée à la main. Il y a un verso en français de l'autre côté.

La Savante folle à la rescousse de la Ceinture Verte (La Greenbelt), cette bande de terre agricoles, de forêt naturelle, de rivières et de terres humides qui entoure la grande région de Toronto! Le gouvernement Ford veut laisser des promoteurs faire main basse sur des terres agricoles qui seront perdues sous les bungalows de l’étalement urbain.

La manifestation s’est déroulée au centre-ville de Toronto, ce qui a obligé la Savante folle à une heure et demie de transit depuis Mississauga. (Ce qui lui permit de s’émerveiller des changement, car le terminus d’autobus GO super-dangereux et pas facile d’accès a été déplacé dans un lieu plus sécuritaire, lié à la station Union.)

C’était la première manifestation de la Savante folle depuis des années, la dernière étant sous le gouvernement Harper pour protéger la Science et les Lacs Expérimentaux en 2012, et longtemps avant à Montréal, pour protéger Radio-Canada.

Un manifestant avec une belle pancarte

Nous étions environ 300 à piqueter devant l’hotel Sheraton sur Queen, où se tenait un réunion de politiciens municipaux de la région. Plusieurs de ces villes seraient négativement affectées par cette décision de serrer la ceinture verte. Les manifestants au-dessus et dessous m’ont donné la permission de partager leurs visages et leurs pancartes.

Deux grands-mères fières!

Et la solution au problème de manque de logement n’est pas un choix binaire entre couper des forêts ou laisser des gens sans logis. Car qui dit étalement urbain dit plus d’autoroutes pour s’y rendre, plus de développement de maisons unifamiliales reliées au réseau d’aqueduc, plus d’eaux usées, et des banlieues qui dévorent l’espace. Car qui dit que le ou la successeur-e de M. Ford ne va pas aussi gruger dans la même ceinture?

Ci-dessous, The Green Belt Giant, une caricature géniale de Graeme McKay mise en panneau.

The Green Belt Giant, une caricature géniale de McKay

L’étalement de banlieues n’est pas une solution viable à long terme. D’autres façons de vivre en harmonie avec le milieu naturel existent. Des expérimentations urbaines intègrent des habitations plus écologiques, où les gens vivent plus proches les uns des autres avec des services essentiels à distance de marche. Je réitère ici l’importance, capitale pour moi, de conserver nos ressources agricoles près de nous, plutôt que de devoir importer toute notre nourriture!

Et dans la ville même? D’immenses vides sont laissé par des usines déménagées et des centres d’achats abandonnés, que je vois quand je prends le train. Beaucoup de spéculateurs achètent des maisons qu’ils laissent vides pour des mois ou des années avant de les revendre. Beaucoup de maisons du centre-ville se détériorent.

Un exemple de maison abandonnée depuis au moins un an, en plein centre-ville. Évidemment, la spéculation les a rendu hors de prix. pour les Torontois..

Ci-dessus, deux maisons abandonnées depuis au moins un an, que j’ai photographiées, en plein centre-ville. Celle de droite est une catastrophe qui attend depuis X années le pic des démolisseurs. Celle de gauche est passable. Évidemment, la spéculation les a rendues hors de prix pour les Torontois moyens…

Michèle tenant le côté en français de sa pancarte.

Michèle tenant le côté en français de sa pancarte.

Cette pancarte de mon cru, dessinée le matin même, a attiré les médias. Ce qui a permis à la Savante folle de donner deux entrevue-minutes à Radio-Canada! La gentille dame du réseau anglais de CBC a capté les explications (forcément courtes!) dans les deux langues, pour les collègues du réseau français. Ce qui a permis, je l’apprendrais plus tard, de diffuser mes quelques mots aux bulletins radiophoniques et télévisuels de Radio-Canada, à la grandeur du pays!

Bref, la manifestation s’est bien déroulée, plusieurs maires et conseillers municipaux ont pris la parole pour dénoncer le projet de loi 23 qui charcuterait un morceau de la Greenbelt, ainsi que Mike Schreiner, le seul élu du Parti vert de l’Ontario.

Enfin, après que tout le monde se soit dispersé, ce déplacement en ville m’a aussi permis de déposer mes BD de Mistress of the Winds à la Librairie The Beguiling, qui fait une belle place aux BD indépendantes. Merci donc!

Mistress of the Winds,  Librairie The Beguiling, 319 College st. Toronto.

À court et long terme… L’érosion par les AirBnB

Le court et le long terme.

On cherche tous et toutes, depuis quelque temps, de l’air frais et de la nature… Mais justement, comme on veut tous aller s’épivarder dans la nature, ça soulève des problèmes. Je garde un bon souvenir d’une cabane au fond des bois louée par le biais de Air-BnB voici quelques années, parce que la propriétaire était très sympathique. Et les habitants autour qui rendaient nos vacances intéressantes.

AirBnB s’invite à la campagne…

Je recommande ce balado : https://www.ledevoir.com/balados/765569/balado-le-dilemme-des-petites-municipalites-face-au-phenomene-airbnb qui montre que ça va très loin. L’invasion des RBnB dans les petits villages ruraux bouleverse la vie des résidents. Non seulement on observe la pression sur les ressources, l’eau disponible pour le raccordement de centaines de nouveaux chalets, l’électricité, les nouvelles rues, la destruction des habitats, mais aussi le tissu social s’effrite.

Car comment des villégiateurs à court terme pourraient nouer des liens avec des résidents qui se sentent déracinés malgré eux?

Et derrière, les choix, les promoteurs sans visages qui vendent maintenant des chalets à prix d’ord avec système de location clef en main. Et l’accès à un petit lac tranquille par plus de 150 familles ou occupants éphémères de chalets ne laissera pas ce lac tranquille longtemps. Et le gonflement de taxes foncières représente une tentation irrésistible pour une municipalité. Qui résiste au mouvement des locations à court terme?

Résister : St-Adolphe d’Howard impose un zonage sévère et des amendes aux propriétaires qui louent à court terme. Les hôtels traditionnels, les B&B aussi en souffrent des locations de type rBnB…

…et en ville!

Une mini-maison à Meldrum Bay, Ile Manitoulin (réplique de l’auberge de Meldrum Bay, à côté, qui a récemment fermé ses portes).

AirBnB est parti d’une bonne idée, deux étudiants qui ont logé des voyageurs chez eux et leur servaient le déjeuner. Mais l’application sympa est depuis devenue une entité gargantuesque qui influence les gouvernement pour ne pas payer d’impôts sur leurs profits, pour déréglementer leurs activités… un bel exemple de capitalisme sauvage: accumuler les profits de millions de petites transactions, sans rien rendre. Évasion fiscale. Seuls les dirigeants au sommet de la pyramide pourront jouir de la belle vue.

En ville, dans certains quartiers, les voisins peuvent dire quelles maisons dans leur rue sont des rBnB : car il n’y avait de lumières de Noël allumées. Et tant de touristes qui passent bousculent la vie de quartier. Quand d’une semaine à l’autre, vous ignorez qui reste dans la maison d’à côté.

Et je ne parle pas de la sécurité tout court, du bruit quand les occupants à court terme décident de faire la fête. Souvent, en voyage, les gens se permettent des débordements qu’ils ne feraient pas chez eux. Les hôtels traditionnels limitent ces débordements.

À lors que les loyers grimpent et les spéculateurs gardent des maisons vides pour créer une rareté (400 000 maisons vides en Ontario, un chiffre estimé.) Le gouvernement de l’Ontario a récemment institué une taxe de 25% de la valeur d’une maison pour des acheteurs « non résidents » comme des corporations. Cette taxe devrait être annuelle, car des spéculateurs peuvent se permettre de laisser les propriétés en friche…

Et des municipalités veulent limiter à 14 jours la durée de location d’une résidence principale. En France, le gouvernement de plusieurs villes ont imposé une limite de 120 jours par an pour louer sa résidence vide. Par contre, on peut encore louer une chambre de notre maison (si on l’occupe) 365 jours par an. Et il n’y a pas de nombre de jours maximum de location Airbnb pour les résidences secondaires.

Ça me rend très, très contente d’avoir loué dans un motel lors de nos dernières vacances. Car le phénomène AirBnB a nuit aux établissements, certains se tirent encore d’affaire avec un service exceptionnel.

Court et moyen terme

La location à court terme répond à une demande de la part des voyageurs, mais la solution passe par une planification à moyen et long terme pour préserver le milieu naturel et le bon voisinage. Car ce sont les gens de la place qui rendent un endroit attirant, pas seulement les vieilles pierres ou les berges d’un beau lac.

Ici, le Lac Huron, vu d’une plage publique de Providence Bay, sur l’Ile Manitoulin.

Le temps qu’il fait, qu’il fera…

À l’époque de la publication de ce roman, en 1973, on parlait ouvertement de la pollution et de ses impacts…

Pendant que l’Australie brûle et que les politiciens continuent de pérorer avec un bandeau cousu de dollars sur les yeux, on annonce un petit 413.09 ppm CO2 (mesure du carbone atmosphérique à Mauna Laua.)

Les ppm (parties par million) est une mesure du taux de carbone (CO2) dans l’air. Autrement dit, une mesure de la pollution,une gracieuseté du journal The Guardian.

Avant l’ère industrielle, quand les promoteurs étaient encore innocents au sujet de l’environnement (après avoir décimé/dépossédé les premières nations), ce pourcentage se situait autour de 280 ppm.

315 ppm en 1958

350 ppm en 1986 – oui, c’est le pourcentage limite qu’on ne souhaite pas dépasser.

400 ppm en 2013

413.09 ppm aujourd’hui…

Mentalité à tiroirs : Climat et pollution ne sont pas séparés

Les changements climatiques et la pollution ne sont pas des tiroirs séparés! Lien vers cet article plus long publié ici en 2011. Ecrit en réponse à tous ces soi-disant économistes qui clament que le climat est une religion (mais ils ouvrent le parapluie quand il pleut et enfilent leurs bottes quand il neige…).

C’est dire que la Savante folle va désormais ajouter à son site cette mesure.

Pour finir, un site bien illustré ici. Et un autre ici pour des graphiques

Fièrement écolo… depuis 50 ans!

Quand ça fait 50 ans et plus qu’on dit aux pétrolières qu’elles polluent.

Quand voici 40 ans que les premiers rapports mentionnaient un probable réchauffement climatique. Et que la question tait prise au sérieux.

Quand les réfugiés climatiques rencontrent haine ou indifférence dans les pays riches…

Quand nos politiciens perroquets répètent économie, économie! sans plus comprendre ce les conséquences d’une croissance économique sans frein…

Ça fait presque 50 ans que j’ai pris conscience des méfaits de la pollution. J’ai participé à nombre de marches et de manifestations.

Quand mes actions individuelles ne font pas le poids contre les grands pollueurs… et cela inclut les développeurs immobiliers qui propagent l’étalement urbain!

Je marche dans ma ville à 12h pour donner un avenir soutenable à nos descendants!

La marche à Toronto,

Résultat de mon dernier test, malgré mes vaillants efforts de simple citoyenne-qui-recycle-composte-et-prend-l’autobus. Imaginez les entreprises minières et pétrolières…

Le 25 septembre, j’achète un livre franco-ontarien!

Le 25 septembre, achetez un livre franco-ontarien! 

Le site Les libraires regroupe des librairies francophones indépendantes. Vous choisissez laquelle va expédier votre petit trésor!

Je recommande de commander chez un libraire indépendant mon petit dernier chez Six Brumes, La ruche. Hé oui, un hommage discret à une grande icone du cinéma!

Livre qui est aussi finaliste au prix Horizons Imaginaires 2019 

Envie d’un livre électronique?

Monarque des glaces , une dystopie climatique par Michèle Laframboise

Entre le 24 et le 26 septembre, ma nouvelle Monarque des glaces sera 99 cents, plutôt que 2.99$ sur Kobo. Monarque des glaces, une dystopie climatique de 5000 mots, a reçu des honneurs :

– Prix Solaris 2010 de la meilleure nouvelle publiée au Canada français

– Prix spécial du jury du concours Réchauffement 2050 – Galaxies 18 – 2012

et des bons mots:

“« Monarque des Glaces », de Michèle Laframboise, sans doute le plus beau texte, crépusculaire, triste, et tragique.”
https://www.quoideneufsurmapile.com/2012/08/galxies-18-le-rechauffement.html

A gripping and harrowing tale of a future Earth where climate change has completely changed the planet… Laframboise’s tale is rich in vivid, evocative details.”
Maria Haskin.com

Grandeurs et misères de la table de dédicaces – 78

.Il faut savoir ce qu'on veut conserver au juste!  Voici donc un aperçu de mes valeurs!

 

Réflexion politique en fin d’élections. Que veux-je conserver?

L’environnement, car sans planète habitable, pas d’économie viable!

La diversité sociale autant que biologique, garante de survie à long terme.

La science et l’éducation, car on aura besoin de toutes les têtes pour résoudre les problèmes surgis du passé, pour faire face aux défis qui nous attendent. (Non, y a pas de piranhas dans le fleuve St-Laurent , mais bien d’autres bébittes exotiques telles que la carpe asiatique menacent ces lieux.)

L’appui aux artistes, aux revues et aux organismes culturels, car sans créativité, sans imagination, où va-t-on?

Artiste "du dimanche" en conserve

Je veux un diffuseur culturel tel que @CBCRadioCanada, car aucun futur « organe officiel du Parti » ne le remplacera ad mari usque ad mare. (Et comme franco-ontarienne, vivant en milieu minoritaire, Radio-Canada est notre bouée francophone! Je suis donc @AmisRadioCanada)

Je suis conservatrice de la dignité humaine, de l’honnêteté, de la liberté des femmes de choisir leur vie.

Je veux retrouver le sens premier de religion, reli+ ion, « relier tout »: construire des ponts entre les gens, multiplier les pains plutôt que les clôtures.

Une BD électorale ici

Grandeurs et misères de la table de dédicace – 65

Les changements climatiques expliqués avec un verre d'eau!   Texte et dessins par Michèle Laframboise

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Pour en savoir plus :

Pour comprendre nos attentes irréalistes vis-à-vis la science façonnées par le cinéma et la culture du « tout-tout-de-suite »: Pollution et climat: du cinéma à la démarche scientifique.

Pour un usage utile du pétrole (et pour sauver les pétrolières!), voir une solution au casse-tête arctique; pour répondre à des positions « climato-sceptiques » voir La Terre est une balançoire. Pour une carte de la circulation thermohaline (Le Gulf Stream entre autre) , et les impacts éventuels d’un arrêt de cette circulation (résumé: on ne veut pas que ça arrive).

Pour un article plus fouillé sur le Gulf Stream, voir le résumé d’un article publié en 2015 par Jaime B. Palter, du Department of Atmospheric and Oceanic Sciences de l’université McGill : The Role of the Gulf Stream in European Climate (Annual Review of Marine Science Vol. 7: 113-137) 

Pas besoin de faire une tempête dans un verre d’eau: la vraie démonstration, c’est la planète qui va la fournir… dès que les derniers glaciers auront fini de fondre.

le verre à moitié plein ou à moitié vide? Texte et dessins par Michèle Laframboise

Pendant qu’il en reste encore…

L’union Européenne a établi une liste des matériaux qui vont, un jour proche, venir à manquer. Cela concerne nos petits appareils favoris: cellulaires, ordinateurs, tablettes, Wifi, appareil-photos, cadrans, et plein d’autres petits gadgets que nous adorons!

Eh qu'on aime la techno chez nous!

Voici la liste des éléments dont l’accès va poser problème, selon une étude pour matériaux critiques  en Union Européenne. Le rapport complet de 85 pages  est présenté ici: prévoir 53 pages plus 30 pages d’annexes.

− Antimoine
− Béryllium
− Cobalt
− Fluorspar
− Gallium
− Germanium
− Graphite
− Indium
− Magnésium
− Niobium
− PGMs (Platinum Group Metals)
− Terres rares
− Tantale
− Tungstène

Le groupe des métaux apparentés au platine (PGMs) : platine, palladium, iridium, rhodium, ruthenium et osmium.  Ouf! Quel vocabulaire!

Quand une ressource atteint-elle le seuil critique?

Le rapport fait la distinction entre les disponibilités géologiques, technologiques et géopolitique, du point de vue de l’Union européenne.

Disponibilité géologique : cet élément est-il naturellement peu abondant, ou abondant mais les réserves s’épuisent? Sur un horizon de 10 ans qu’estime le rapport, c’est moins les réserves que l’usage grandissant de ces matériaux qui va les rendre « rares ».

Disponibilité technologique : par exemple, le fer (qui n’est pas encore trop rare) est très abondant dans le noyau terrestre… mais on ne possède pas la technologie pour le pomper de ce milieu! (Ce métal  existerait sous forme liquide et sous forte pression). Autre exemple, le « Cercle de feu », une région du nord de l’Ontario riche en  chromite, cuivre, or, zinc et kimberlite, est difficile d’accès. Manques d’infrastructures routières et ferroviaires ainsi que de lignes électriques et d’eau courante…

Disponibilité politique : certains pays possèdent la totalité des mines d’une ressource… La Chine est le producteur majeur des terres rares, et de plusieurs autres minéraux. Il faut se montrer gentil… Le Congo recèle les plus importants gisements de cobalt et de tantale. La Russie elle, contrôle la  majeure partie du groupe « lié au platine ».

Les fusions de compagnies minières vont aussi causer une concentration des extracteurs. Le but (toujours le même) : réduction de coûts et augmentation de la productivité.

Facteur environnemental: Certains pays producteurs peuvent adopter des mesures environnementales qui rendraient plus difficile l’accès à leurs ressources, du point de vue de l’UE qui en a besoin. Comme leur demander de polluer plus serait un tantinet immoral, on cherche des solutions de compromis: substitution et recyclage. Dans le cas du Cercle de feu (Ontario), il faut respecter les droits constitutionnels des neuf Premières nations vivant sur ce territoire.

En pondérant le risque de pénurie avec l’importance économique des ressources, les terres rares arrivent en premier dans les inquiétudes. Voici donc le tableau résultant des éléments dont l’accès devient critique (critical raw materials), additionné de quelques commentaires sur la disponibilité de certains de ces minéraux.

Tableau des minéraux les plus à risque de nous manquer

Mais ce n’est pas tout. Parmi ces ressources rares, se retrouve… le phosphore, dont nous avons déjà parlé, en tant que nuisance (excès des engrais).   Le 17 juillet dernier, la Commission européenne a ajouté le phosphore minéral à sa liste de 20 matériaux rares (Critical Raw Materials).

L'effet d'ajout de phosphore sur un lac: éclosion d'algues.

C’est ici le phosphore en tant que ressource minérale qui commence à se faire rare.  S’il n’est plus employé dans les savons à lessive, il reste en demande pour l’agriculture, surtout en Europe dont les sols sont cultivés depuis, genre, 2000 ans…

Le temps de dire les choses…

L'auteure courant aux événements

Même, en courant, je n’aurai pas le temps… pas le temps, comme dit la chanson. Voici chers amis du blogue de la savante folle, les sujets brûlants d’actualité que j’aurais souhaité commenter plus en profondeur, avec réflexion et caricatures. Là, je vous les offre en bouquet. 

Le musellement des scientifiques par Ottawa: Back in USSR !  Ou quand un gouvernement  préfère écouter ses astrologues que ses scientifiques. À ce sujet, rappel de l’affaire Lyssenko: ce scientifique protégé par le régime fut à l’origine d’une théorie génétique pseudo-scientifique qu’il parvint à imposer en Union soviétique pendant la période stalinienne. Un lac très eutrophié de la ELALe Experimental Lake Area, sauvé de justesse par le gouvernement de l’Ontario. Comment pouvez-vous boire un verre d’eau de robinet en toute confiance? Comment peut-on apprendre l’impact à long terme d’un polluant sur nos lac et nos rivières? Par la recherche et l’observation scientifique à grande échelle.

L’étude sur les éoliennes commandée par le fédéral, qui par contre a abaissé les critères environnementaux pour les pétrolières. On croirait que douze hélices géantes font plus de dommages que la destruction totale du paysage et la pollution des rivières voisines des exploitations de sable bitumineux

Le seul scientifique non muselé par Ottawa: Chris Hatfield et son compte Twitter! Ayant une formation en sciences et une bonne forme physique, j’ai longtemps souhaité être astronaute. Toutefois, après avoir pesé la chose, j’ai renoncé au dernier appel de candidatures. Car, même si mon mari avait pu laisser son travail, une savante folle-plus-astronaute aurait eu fort peu de temps libre pour écrire et dessiner, sans compter être présente à la famille! Cependant, ça me console de voir de si bonnes personnes porter haut et fort le flambeau de la science.LaframboiseManifEtroitLe désengagement de l’électorat qui a voté à 50 % en Colombie Britannique, en lien direct avec l’usage abusif des annonces injurieuses (attack ads) et mensongères contre les personnes qui s’engagent en politique. On prétend que « c’est ça qui marche »? Eh bien plus avec moi.
Si on adopte cette escalade, on peut aussi « désescalader » ce processus. Dans nos écoles, on adopte des mesures contre l’intimidation! Et c’est pour cela qu’une classe d’élèves d’Ottawa  écrit au premier sinistre Harper de cesser de recourir à ce type de publicité. « To the kids, she said the ads looked just like cyberbullying, which they’d learned about a couple of weeks earlier. »

Le trio d’excellent essais de Jean-Jacques Pelletier, et particulièrement son dernier sur Néo-Narcisse. Néo-Narcisse résume nos désirs d’extrémiste « soft » et le désengagement dont je parlais. On s’engage, tant que c’est pas trop forçant et qu’on  ne subit pas de conséquences désagréables. Pelletier et son nouvel essai

L’abus du terme « taxpayer » par ceux qui veulent réduire l’État, tout en donnant de généreux subsides aux  compagnies… et en fermant les yeux sur leur évasion fiscale. 21 trillions, c’est des sous… Et considérer les citoyens comme des porte-monnaie ambulants qui ne calculent que leur intérêt à court terme, c’est insultant et réducteur. Et tout le monde en paie, des taxes, quel que soit leur revenu: dès que vous achetez un sac de chips, ou que vous occupez un logement… vous payez des taxes.

– Dans le même ordre d’idées: les taxes qu’on paie au… privé! Les prix franchement abusifs, la corruption dans le secteur de la construction, et que le citoyens repaient. Notre maisonnée qui a payé son gaz naturel 4 fois le prix du marché pendant trois ans… à cause d’un clause de « protection des prix » qui interdisait d’en sortir sans payer d’énormes pénalités. Les prix abusifs en rénovation. – Les spéculateurs qui parasitent l’économie. Cette image parle fort: http://www.filmsforaction.org/watch/inside_job_2010/

– Lévasion fiscales des mégariches… qui redonnent quelques miettes en bal de charité en se targuant d’être des « créateurs de richesses », alors qu’ils ne font que la concentrer entre leurs mains! Ci-bas, une véritable « créatrice de richesse ». Oui, les artistes, scientifiques, modestes travailleur-ses créent la richesse, mais n’en bénéficient pas beaucoup… Le phénomène du trickle-down est en fait un trickle-up vers les agrégateurs de richesses. Artiste "du dimanche" en conserve

– Parlant de ruissellement: l’effondrement d’une usine au Bengladesh à Dacca, le 24 avril 2013, qui a fait plus de 1127 morts  -surtout des mortes – au dernier recensement, pour nos vêtements pas chers. Si nous sommes le « marché », il est temps de souhaiter la liberté et des bonnes conditions de travail… pour tout le monde! Je rappelle Germinal, ce roman d’Émile Zola.

– La disparition prochaine des émissions Dimanche magazine et Classe économique à Radio-Canada. J’espère que ces excellents reportages et ceux à venir vont se trouver un autre « nid ». Et qu’ils resteront disponibles sur Internet.

– Ce reportage BD ahurissant sous forme de fresque, une BD déroulante et déroutante avec des extraits sonores, concernant un bidonville en France…  Ce reportage de Monique Hervo date de 1962 mais vient d’être mis en images. Le plus extraordinaire, c’est d’entendre ces voix des réfugiés enregistrées voilà 50 ans… http://bidonville-nanterre.arte.tv/

– Et… le printemps qui arrive enfin!

Fleurs du prunus exotique

Florilège pour des lacs expérimentaux

Un lac très eutrophié  - photo courtoisie de ELA

Quand vous avez mal quelque part, est-ce que vous consultez votre médecin ou votre astrologue?

Voilà une question qu’on pourrait poser au gouvernement Harper, à la lueur de ses récentes décisions dont le projet de loi 45 « mammouth » qui réduit le financement de la recherche sur les lacs et rivières, à moins qu’il s‘agisse de recherche possédant un avantage commercial. Et qui exclue 99 % des lacs de la protection de leurs eaux et de leurs rives!

Parmi ces décisions, il y a celle de mettre fin aux activités du ELA (expérimental lake Area), la zone des lacs expérimentaux couvre 58 lacs en Ontario  qui ont aidé à démontrer les effets à grande échelle de divers polluants chimiques. Situés dans le comté de Kenora, ils ont permis entre autres de démontrer l’effet du phosphore sur l’eutrophisation des lacs. Cette mission de protection du public fait-elle le poids contre une vision purement commerciale de la recherche ?

Lac 226 après deux mois de fertilisation. La photo a fait le tour du monde !

Cliquer ici pour un détail agrandi des deux parties du la 226

Comme je l’ai indiqué dans un autre article, la recherche scientifique est un processus long et ardu. Elle implique non pas un chercheur seul dans son laboratoire mais plusieurs équipes multidisciplinaires. contrairement aux à nos attentes de tout tout de suite », la recherche prend des années et demandes plusieurs échelles : depuis les essais en éprouvette de laboratoire aux expérimentations sur grande échelle. en passant par les étapes de vérification des données, consultations des pairs, publications dans revues scientifique avec comités de lecture…

L'enquête sur le rôle du phosphore a été beaucoup plus longue que ce dessin le suggère!

Avec un budget de fonctionnement de 2 millions par année, le ELA est beaucoup moins cher que les milliards accordés en subvention aux entreprises de sables bitumineux. Des milliers de personnes s’opposent à cette fermeture. Mais leur voix tombe-t-elle dans l’oreille d’un sourd?

Je n’apprécie pas qu’on affaiblisse ce pays et sa population en lui retirant une à une les balises de protection scientifiques. Car qui croire ensuite? Votre médecin ou votre astrologue? 

Bref, les scientifiques qui tiennent à protéger les eaux fraîches et la recherche fondamentale cherchent désespérément un milliardaire désoeuvré. Ou bien faut -il lancer un projet Kickstarter pour les Lacs?

Baie Georgienne - nos eaux douces, un trésor menacé par l'ignorance

La zone des lacs expérimentaux représentent un effort collectif pour mieux comprendre les procédés naturels et l’impact de nos activités sur les eaux fraîches et leurs myriades d’habitants. C’est un livre qui doit rester ouvert, comme les esprits avides de connaissances.

Ce mouvement de protestation pourrait aussi s’appeler Ignorant no More.

* Annexe *

Faute de temps pour développer ce sujet, je dresse la liste de sites utiles, de même que le site Sauver ELA.

Fight to save Experimental Lakes Area runs its course (http://www.kenoradailyminerandnews.com/2013/01/02/fight-to-save-experimental-lakes-area-runs-its-course)

Une réflexion fouillée par un scientifique paléogéographe, partie un et deux

Attention Bryan Hayes: This water issue hasn’t gone away (https://www.sootoday.com/content/news/details.asp?c=51916)

Liste des députés fédéraux – trouvez votre circonscription!

Le groupe Facebook pour soutenir le ELA. https://www.facebook.com/groups/saveela/

Quelques sujets de recherche entrepris avec les lacs expérimentaux depuis 1968:

pollution par les fertilisants et éclosions d’algues bleues
impacts des  “pluies acides” sur les lacs
restauration des lacs acidifiés
impacts d’inondation de réservoir
sources de mercure toxique dans les poisson
impacts des “changement climatique” sur les lacs
renouvellement de la végétation riveraine
impact de composés hormonaux mimics
impacts de l’aquaculture

Histoire d’eau: une enquête haletante sur l’eutrophisation des lacs

image de la savante folle batifolant dans son lac favori.

C’est l’été, et on se précipite vers une trempette rafraîchissante ! Mais pourquoi les eaux de nos lacs deviennent-elles gluantes et pleines d’algues?

La réponse dans ce livre publié par les Presses de l’Université de l’Alberta,  The Algal Bowl: Overfertilization of the World’s Freshwaters and Estuaries, par  David W. Schindler et John R. Vallentyne, spécialistes en biologie lacustre, spécialité de feu mon oncle Robert Lagueux, limnologue. Des Albertains écologistes, oui ça existe!

The Algal Bowl : Overfertilization of the World's Freshwaters and Estuaries

The Algal Bowl est un texte très pointu sur l’eutrophisation des eaux douces et des estuaires. Le livre comprend des cartes, photos, graphiques, mesures, statistiques. C’est une mine d’informations beaucoup plus fiables que des rumeurs ou des sites internet, et c’est pour cela que j’ai jugé utile de vulgariser son contenu.

Le titre est une allusion au fameux Dust Bowl des années 1930.

« In 1974, John R. Vallentyne predicted that by the year 2000 we would be living in an environmental disaster he called the Algal Bowl. Just as the Dust Bowl of the 1930s was created by misusing western farmland, he forecast that the continuing misuse of lakes could only lead to water degradation. « 

Au point de vue littéraire, je dois noter que le livre est très bien écrit, que le style comporte des très belles images.

*

Résumé de l’intrigue

On relâche de la chnoute, beaucoup de chnoute (matière fécale, engrais, donc matière organique) dans les eaux douces. La chnoute, pour se décomposer, absorbe l’oxygène dissous dans l’eau. Oxygène que les poissons, eux, n’ont plus à leur disposition, donc ils meurent, couic! D’autres organismes prennent leur place, modifiant les écosystèmes aquatiques.

L’euthrophisation des lacs est un meurtre silencieux dont les efflorescences d’algues bleu-vert (algal blooms), les cyanobactéries, nous avertissent. Ces microorganismes existent depuis plus de trois milliards d’années et sont naturellement présentes dans les lacs et les rivières, mais à de faibles densités, ce qui ne cause pas de trouble. Car, en forte concentration, les cyanobactéries, loin d’être de gentils végétaux, elles sécrètent des substances très toxiques qui tuent les poissons (et parfois, des baigneurs).

Comme les lacs sont peu bavards par nature, ce sont les chercheurs qui ont lancé les cris d’alarme, aussi tôt que dans les années 1960. En recueillant des observations et en faisant des analyses de l’eau des lacs affectés et des lacs intacts, les enquêteurs ont découvert trois suspects: le carbone, l’azote, le phosphore.  Lequel de ces trois éléments détient le contrôle de l’eutrophisation?

Interrogatoire de témoins: les lacs Mendota et Monona

Le phénomène d’eutrophisation a été observé des 1907, en Europe, pour décrire les changements dans les écosystèmes aquatiques causés par une hausse de l’apport de  nutriments provenant des plantes vers l’eau.

L’étude de cas de deux lacs de la ville de Madison (Wisconsin), les lacs Monona et Mendota, illustre l’impact du défrichages et de la culture avec engrais sur la faune et la flore du lac.

Les lacs de Madison: Mendota et Monona

Les colons, arrivés vers 1840, ont déboisé et défriché autour des lacs. En quatre décennies, les forêts ont fait place à des fermes, et Madison était devenue une ville prospère.  Sauf que des phénomènes étranges sont apparus dans le lac Mendota.

Dès 1880, des explosions d’algues bleues tuent des poissons dont les corps s’échouent sur les rives. Les déchets venant de la ville de 10 000 habitants à l’époque. Pour résoudre le problème, on n’a pas coupé les cheveux en quatre: érection d’un barrage pour rehausser les eaux du lac Mendota, drainage des marais (dont le rôle filtrant n’était pas encore connu), creusage de puits pour utiliser l’eau souterraine.

Enfin, on a construit une usine d’épuration des eaux, qui enlevait la schoute et les matières organiques solides, mais laissait passer le phosphore et les nitrates. L’effluent de l’usine était déchargé dans la rivière Yahara, en amont du lac Monona.

Résultat: les eaux du lac Mendota retrouvent leur clarté; par contre, le lac Monona  montre des symptômes inquiétants: des algues bleues-vertes s’épanouissent, poussées par le vents pour former des « matelas »  puants flottant sur les rives, au point que les résidents fuient leurs maisons lors des grandes chaleurs de l’été.

Aux grands maux les grands moyens: envouèye le sulfate de cuivre pour tuer ces vilaines algues!  On n’avait pas peur des produits chimiques à cette époque. De 1926 à 1936, 27 à 45 tonnes métriques (60 000 à 100 000 livres) de ce poison ont été déversés chaque été dans le lac Monona. Couic!

Traitement chimique au sulfate de cuivre du lac Monona -Photo: Madison Dept. Public Health

Ces additifs et les algues mortes forment des couches de sédiments riches en cuivre… qui sont toujours présentes. Attention à ne pas touiller le fond du lac!

Pendant ce temps, fidèles à leurs bonnes habitudes, les autorités construisent en 1928 une autre usine d’épuration qui déverse ses effluents dans la rivière Yahara, cette fois en aval du lac Monona! Problème réglé? Observez bien la photo ci-dessous… Les petites flèches vertes montrent le sens de l’écoulement des eaux.

Lacs de Madison (photo originale de Mike Kakuska pour la présentation de Richard C. Lathrop (2009) J'ai tracé les petites flèches en vert pour montrer le sens de l'écoulement des eaux.

Le lac Monona récupère, sauf que les lac Waubesa et Kegonsa, qui reçoivent ces eaux, développent – Ô surprise! –  des symptômes d’eutrophisation, avec efflorescence d’algues bleues, poissons morts, etc.

Ciel, que faire? Appliquer joyeusement du sulfate de cuivre…

Quant à la pauvre rivière Yahara en bas des lacs, ses eaux sont en piètre état. Tous ses poissons ont été tués par une explosion d’algues bleues en 1954.

Les scientifiques enquêtent, et mettent vite le doigts sur les sources ponctuelles de pollution, comme les égouts domestiques. Toutefois, on ignore les sources diffuses comme les engrais provenant des cultures.

Un autre problème se pointe à l’horizon: la pêche des gros poissons encourage la prolifération des algues. Comment?

Allez hop! Cascade trophique !

Les gros poissons mangent les p’tits poissons.
Les p’tits poissons mangent le plancton animal.
Le plancton animal mange les algues.

Quand on pêche trop les gros poissons, on se retrouve avec plus de petits poissons, donc il reste moins de plancton animal, et donc… plus d’algues, qui coupent la lumière vers le fond!!! C’est la cascade trophique, que j’ai illustrée ci-dessous.

Cascade trophique, mon interprétation d'un diagramme original de Brian  Parker et Lara Minja  en p. 173

C’est une interprétation libre d’un diagramme du livre en page 173 avec les niveaux trophiques.

Après les traitements chimiques, les manipulations biologiques

Fort de cette découverte, on s’est dit: ensemencons les lacs de poissons prédateurs, et ainsi on aura moins d’algues! Entre 1987 et 1999, 2.7 millions de jeunes dorés jaunes (Walleye), 170 000 brochets et plus de 100 millions de tout petits brochets (northern pike) et  dorés ont été jetés dans le lac Mendota. La clarté de l’eau s’est améliorée.

Toutefois, la rumeur a vite circulé parmi les amateurs de pêche sportive, qui ont convergé en grand nombre vers le lac Mendota. La pression de pêche, 6 fois la normale, a amoindri l’impact de la biomanipulation.

Aujourd’hui, les eaux des lacs sont en meilleur état qu’au début du XXe siècle, mais la population humaine grandissante (Madison étant la capitale du Wisconsin), et l’accumulation dans les sols saturés d’engrais font que même en stoppant la pollution, le ruissellement de surface lessiverait encore des nitrates et des phoshates pour plusieurs dizaines d’années (p.27).

Sur la carte suivante, les régions en rouge vif sont urbanisées, tandis que les beaux mauves représentent les terre humides, ces filtres naturels essentiels. Notez la grande surface des terres agricoles en jaune.

Madison - Usage du sol près des 4 lacs, carte réalisée par Tom Simmons, WDNR, tirée de la présentation de Lathrop (2009)

Des études récentes montrent que la restauration de la qualité de l’eau vaudrait 50 millions, en considérant les écosystèmes perdus.

Je vous encourage à consulter la belle présentation couleur de Richard C. Lathrop, Controlling Eutrophication in the Yahara Lakes: Challenges and Opportunities, présentée lors du Spring 2009 Community Environmental Forum UW-Madison Nelson Institute of Environmental Studies, en janvier 2009.

L’enquête progresse…
3 suspects

Revenons aux trois suspects dans cette affaire.

Les recherches ont mené les enquêteurs à soupçonner le phosphore d’être l’élément contrôleur dans la croissance des plantes. Les micro-organismes consomment les nutriments dans un rapport C/N/P optimal  d’environ 100/(4 à 5)/1. « Environ » car le ratio optimal C-N-P varie en milieu aquatique ou terrestre.

Le consensus s’est établi dès les années 60 parmi la communauté scientifique: le coupable, c’est surement le phosphore! Et du coup, on notait les effluents des villes, riches en phosphates provenant des détergents.

Tout  semblait bien aller, on se dirigeait même vers une législation pour adopter le NTA (nitrilotriacétate de sodium) à la place des phosphates, un produit qui avait été le plus sévèrement testé dans l’histoire des USA.

Saviez-vous qu’on aurait pu éliminer le phosphore des détergents dès 1969? À la place, les États-Unis ont a attendu 40 ans. Pourquoi?

L’industrie savonnière contre-attaque!

Le phosphate était beau, bon, pas cher, pourquoi le remplacer? Pour protéger leurs affaires, les entreprises savonnières (US Soap and Detergent Association) ont d’abord nié le rôle du phosphore dans l’eutrophisation des lacs, malgré toutes les études.

Ils ont interprété à l’envers  les conclusions d’une étude à long terme: « non, ce n’est pas le phosphore dans le lac qui cause les algues mais la présence d’algues qui cause le phosphore« . Cet argument n’a pas fait long feu.

Des scientifique à la solde des savonniers ont proposé que l’azote était l’élément contrôleur, suite à une étude réalisée sur le lac Érié. Or, il y avait une telle quantité de phosphore disponible  en raison de la  la pollution, que l’azote est devenu l’élément limitatif.

Ensuite, par une tactique maintenant connue (Révisez la saga des pluies acides et du réchauffement climatique), les savonniers ont publié un article incendiaire qui hurlait à la chasse aux sorcières « contre » le phosphore, condamné trop vite (ignorant le large consensus scientifique qui existait). L’article a tenté de détourner l’attention en proposant le carbone comme élément contrôleur. Le but inavoué était de soulever  les passions du public pour retarder l’adoption des mesures.

Les détergents protestent

La fausse piste du carbone

En 1969, une étude avance que le le carbone, mesuré sous forme de carbone organique dissout (COD), limite la croissance des algues. Inutile de dire que les compagnies de savon ont publicisé la chose, espérant que les limiers poursuivraient la piste du carbone.

Cette hypothèse reposait sur des échantillons d’eau en bouteille qu’on soumettait à des tests en laboratoire.

Or, un lac n’est pas un bol de soupe fermé, mais un écosystème qui interagit avec l’atmosphère et le bassin versant. Le Dr. Jack Vallentyne a donc mis en marche des expérimentations en taille réelle plus fiable que des « petites bouteilles ».

Pour tester l’hypothèse, ils ont ajouté au lac 227 du phosphore et de l’azote, dans carbone. Si le carbone est l’élément contrôleur, ce lac devrait demeurer oligotrophe. Le lac 227 montre les symptômes d’eutrophisation et en quelques semaines, une éclosion d’algues bleues.

Donc, le carbone est innocent votre honneur!

Un mystère demeurait: les mesures de carbone dissout varient entre le jour et la nuit; de plus, on remarque que les algues contiennent plus de carbone dissout. D’ou vient ce carbone en surplus?

Nos enquêteurs ne se découragent pas. On appelle à la rescousse un spécialiste en échange de gaz, le Dr Broecker.  Du carbone (sous forme de sucrose) a été ajouté dans un petit lac, le lac 304.  Rapidement absorbé par les algues, le carbone est – en à peine quelques heures – relâché dans l’atmosphère sous forme de CO2.

Le carbone se maintient constant car l’excès s’envole dans l’atmosphère. Et en cas de manque, les algues gavées de phosphore puisent le carbone de l’atmosphère. Voilà l’origine de ces lectures de carbone organique dissout alors qu’on n’avait pas décelé de source de carbone!

La vérité éclate grâce au lac 226!

Au Canada, on a aménagé des lacs expérimentaux pour des suivis à long terme. Certains de ces lacs ont aidé à identifier l’impact des pluies acides, ou l’émission de mercure dans des tourbières inondées par la construction d’un barrage. Mais le clou dans le cercueil des savonniers a été planté avec le lac 226, dans le nord de l’Ontario.

Il s’agit d’un lac en forme de sablier, qu’on a séparé en deux parties. L’une d’elle a reçu les très amigos P, C, N (phosphore, carbone, azote) tandis que la partie sud n’a recu que deux amis: carbone et azote.

La réponse est dans cette image :

Lac 226 après deux mois de fertilisation

Vue  rapprochée de la séparation du lac 226, photo glanée sur le site Lake Scientist, mais provenant de l’étude du Dr Schindler (le texte de cet article sur la Toile)

scientists used a curtain to separate two sides of a Canadian Lake. Carbon and nitrogen were added to both sides while phosphorus was added to only one side. A large algal bloom and consequent eutrophication is visually evident on the side where carbon, nitrogen, and phosphorus were added.

Concluant, n’est-ce pas?

On voit le côté bleu foncé (oligotrophe, de oligo, peu et trophe, manger) et le côté beurk (vert lime, eutrophisation avancée: invasion d’algues, baisse des populations de poissons, et plein d’autres conséquences)

Comme toujours, il a fallu le patient travail des chercheurs, et une étude à loooong terme en échelle réelle sur les lacs pour parvenir à la conclusion que le phosphore détient la clef de contrôle de l’euthrophisation des lacs.

***

Le Dr Schindler continue à veiller sur les eaux fraîches de l’Alberta, non sans se mettre à dos les politiciens. Lui et son équipe ont publié en 2010 un article concernant l’impact de l’exploitation des sables bitumineux sur l’eau de la rivière  Athabasca .

Avant de publier, j’apprenais la suppression du Experimental Lake Area (ELA) par le gouvernement fédéral, dans la foulée des compressions budgétaires.

Carburez en paix…

La canicule ayant chanté tout l’été
les industries pétrolières
se trouvèrent fort embêtées
d’attendre la première bise de l’hiver

Alors elles entonnèrent en choeur
leur berceuse habituelle

Consommez en paix
Carburez en paix
Dormez en paix

le climat ne se réchauffe pas, non, non.
Les savants se leurrent
nos profits nous confèrent
science et vérité infuses

Consommez en paix
Carburez en paix
Dormez en paix

Nada, nada, nada
rien de grave au Canada

et si la Terre meurt
ce sera de causes naturelles!

L'état probable  de la planète, quand les pétrolières cesseront de nier le réchauffement...

J’ai repris ce poème pour le Jour de la Terre.
La version originale, avec la caricature, ici