
Une aventure de Michèle l’écrivaine enthousiaste!
MICHÈLE est bien énervée ce soir, car elle a une tombée littéraire qui approche et son carrosse va se transformer en citrouille à minuit pile. Or, ses doigts s’emmêlent au clavier, elle avance, recule, efface, reprend sont texte, se rendant bien compte que son nombre de mots à la minute est en chute libre.
Qu’à cela ne tienne, il existe une solution : recourir à sa douce moitié.
MICHÈLE : Giiiilles!
GILLES (occupé à détruire un royaume ennemi qui explose en mille couleurs sur l’écran incurvé de son ordi) : mmmh?
MICHÈLE : Il faut que je finisse cette nouvelle ce soir, pis je bloque! Ça s’passe à l’époque Romaine, t’aurais pas la musique de Gladiator par hasard?
GILLES sauve sa game et manipule avec habileté et doigté l’application qui gère nos systèmes de son. Il a un abonnement à un célèbre serveur de zizique (Spotify pour ne pas le nommer) qui ne nous a pas fait faux-bond depuis des lustres.
Bientôt, les premiers accords d’orchestre du célèbre film de 2000 flottent comme une bannière marquée SPQR dans le vent chaud du sud de l’Italie. Inspirée, MICHÈLE se remet à l’ouvrage, non sans imaginer le sculpturesque Russell Crowe dans le rôle titre.
Bref, elle écrit, écrit à la vitesse d’un écrivain « pulp » des années 40… Lesquels, les pôvres, tapaient sur une machine à écrire même pas électrique, même pas de correcteur blanc, snif.
L’intrigue déploie ses ailes d’aigle romain par-dessus le paysage, la musique passe aux scènes d’arène de sable clair et les Ave Cesear, morituri te salutant, et les muscles bien huilés qui brillent au soleil… Les dangers s’accumulent pour son personnage, les péripéties déboulent comme la grosse roche sphérique de la caverne piégée dand le premier Indiana Jones.
Bref, MICHÈLE est en feu!
MICHÈLE : yessss!
D’un coup, les buccins impériaux de l’arène romaine où son héros se bat à coups de glaive s’effacent sous une rafale de notes de synthétiseur!
Des basses tonitruantes font trembler les fondations de la petite maison dans la banlieue où vit notre vaine écrivaine qui s’aperçoit que son gladiateur a quitté l’arène pour se ramasser ben strappé aux commandes d’un F-18 qui file à mach 2 dans un ciel céruléen (hein que c’est beau le vocabulaire!) En plus, son casque a morphé pis il ressemble étrangement à Tom Cruise…
MICHÈLE (qui tape frénétiquement control Z, control Z…): Gilles! T’as mis la musique de de Top Gun !
MICHÈLE : Kessé qui arrive à mon ambiance de Rome antique?
GILLES (qui vient de descendre avec son système de speaker portatif et son téléphone qui contrôle tout, tout, tout, à distance): Ah, c’est Hans Zimmer, le compositeur, il a fait les musiques des deux films.
Et GILLES de zigonner sur son téléphone mince comme une carte de crédit.
Subitement, une musique de pirate transforme le F-18 en Blue Pearl et son gladiateur-pilote en pirate abondamment barbu avec plein de colifichets qui pendent de cette masse capillaire.
MICHÈLE : Groogne!
GILLES (air innocent) : Ah ouiii, tiens, tu sais que Hans Zimmer a aussi composé la musique de Pirates des Caraïbes et de plus de cent autres films?
MICHÈLE sent la moutarde lui monter au nez. Elle lance un regard glaçant au mari qui regrette soudain d’avoir fini le pot de 2 L de Coaticook Special Edition au sirop d’érable voici dix minutes.
GILLES (qui sent la Coaticook Special Edition se retourner dans son estomac): vouiii, vi, je vais t’arranger ça ma tite-Michèle-en-chocolat-smouick!
Et reviennent les buccins et les tambours, et l’arène full sable trop blanc pour être du vrai. C’est pas parce que MICHÈLE écrit de la science fiction qu’elle ne peut pas se vautrer dans le drame historique de temps à autre.
MICHÈLE se dépêche de terminer sa nouvelle avant la tombée en se disant mais un peu tard qu’on ne l’y reprendrait plus. Enfin, elle met le point (poing?) final à ce texte, révise son orthograF, et sauve son document.
L’Internet a vraiment simplifié le processus de soumission, se dit-elle en pesant sur SEND.
MICHÈLE (levant les bras en l’air, triomphante dans l’arène de l’écriture): Technologie salvatrice!
MICHÈLE (se lève, s’étire, cric, crac, et se dirige vers la cuisine): Bon, je vais enfin pouvoir me récompenser avec une généreuse portion de Coaticook Special Edition au sirop d’érable que je conservais au congélateur pour cette occasion…
GILLES (très bas) : oupse.
GILLES se déguise en courant d’air et se précipite au dépanneur en espérant qu’il reste encore des pots du Special Edition…